Reportage pas du tout objectif : Lille

On s’était dit comme ça : « Et si on allait faire un tour à Lille ? » Franchement, ça faisait un moment que Lille me faisait rêver. Pierre Mauroy, Martine Aubry, la Braderie, les baraques à frites et les fricadelles, enfin tous ces noms tellement voyageurs, cette langueur qu’on éprouve à leur seule évocation, ces senteurs légèrement chargées, son beffroi… Enfin bref, Seb me dit quand je lui propose l’escapade : « Ça tombe bien, y’a justement l’Racing qui joue la finale de la Coupe de la Ligue à Lille et en plus y fait beau et y’aura un TGV ! » Bon, c’est valable, on ira visiter Lille et on en profitera pour aller voir vite fait comment l’Racing se débrouille. Donc, on y va.

Un train peut en gâcher un autre

Le TGV… C’est un truc fabuleux qui vous ramène à l’autre bout d’la France juste le temps de lire le dernier bouquin d’Amélie Nothomb. Mais à une condition : il faut qu’il démarre ! Et le nôtre, et ben il refuse. Sabotage, Gilets Jaunes, CGT, la Ligue… On n’a jamais su, sinon qu’il est parti avec une heure de r’tard, une heure de moins pour nous imprégner de c’que la culture chti nous a piqué de plus brillant : la bière ! Mais, dans nos esprits conservateurs haut-rhinois, on avait négligé deux paramètres qui ont fait la différence : le pilote du TGV était un as et la bière était dans le TGV.

Le ivre ensemble

Je sais qu’un supporter ça a soif. Mais généralement après le match. Alors je n’sais pas si la p’tite heure à cirer le quai d’la gare, l’émotion d’aller visiter la magnifique métropole, la météo carrément estivale… Enfin bref, dans l’TGV, y’en a plus d’un qui a fait la honte à Maître Kanter, reprenant à son compte cette chanson célèbre : « J’ai deux amouuurs, Kanterbräu, Kronenbouuurg ! » Ou alors la non moins célèbre : « Un seul amour et pour toujours, la 64 d’Kronenbourg ! » C’est donc dans cet état proche du Bouhreïn qu’on a atterri sur le quai de la gare de Lille où une haie d’honneur très sympa, avec des autochtones déguisés en Mad Max, nous a accueillis avec cette chaleur propre aux gens du Nord qui ont dans le cœur le soleil qu’ils n’ont pas dehors.

Bleu, bleu, bleu, l’amour est bleu !

Dehors… Et ben, on n’a pas l’choix et on suit la horde. Les rues sont bloquées, les gens aux fenêtres se sont barricadés, les mamans hurlent à leurs enfants de rentrer, même les Gilets Jaunes se les repeignent en vitesse en bleu. Et là, j’dis à Seb : « Viens, on va avec, on va s’éclater ! » En même temps d’ailleurs qu’les pétards et les fumigènes qui nous transforment rapidement en wädele jarret tout bleu. Et on arrive dans un parc. Il y avait là des amoureux, des enfants, des papis, des mamies tout heureux de profiter de ce bel après-midi de printemps naissant… Je n’sais pas si vous avez vu le film Apocalypse Now ? « J’adore respirer l’odeur du napalm, fils ! »
Bon, c’est l’Racing et on lui pardonne tout.

Ça t’la coupe, hein ?

Et puis on part en procession vers la grotte Pierre Mauroy, du nom de ce saint qui a inventé la retraite à 60 ans. Dans la cohue, on rencontre l’ami Maxime qui s’est fait tailler « RCS » sur la nuque par un talentueux coiffeur, même qu’il y en a certains qui veulent la lui embrasser, la nuque. Des gens incrédules toujours aux fenêtres, des p’tits hommes bleus qui s’arrêtent régulièrement pour évacuer les bières du TGV et les autres.
Tout le monde connaît la suite de l’histoire.
On a voulu voir Lille et on a vu Strasbourg. On revient toujours à ses premières amours. Et pour toujours.