- Note
- 5.0 / 5 (12 notes)
- Date
- Catégorie
- Transferts
- Lectures
- Lu 2.010 fois
- Auteur(s)
- Par athor
- Commentaires
- 15 comm.
Première véritable recrue de l'ère Blueco, pour un montant record au Racing, Abakar Sylla n'affiche pourtant qu'une seule saison professionnelle au compteur. Portrait de ce solide défenseur.
L'annonce du rachat de l'intégralité des parts du Racing, le 22 juin dernier, au consortium américain Blueco a suscité une vague d'émotions, allant du bonheur face à la perspective de voir le club crouler sous les millions à la méfiance vis à vis du fonctionnement lié à la multipropriété. Le débat sera toujours vif dans les mois et années à venir, mais ce changement à la tête du RCS va nécessairement conduire à un changement radical dans la politique sportive. Si on excepte le tout jeune Steven Baseya, arrivé libre de Nancy le lendemain même de l'annonce de la vente, la toute première recrue de ce Racing new look montre bien que celui-ci va surprendre sur le marché des transferts. Alors qu'il avait dû faire un immense effort pour signer un chèque de 10M€ à Metz pour l'acquisition d'Habib Diallo en octobre 2020, le club a lâché, sans trembler, près du double de cette somme pour faire venir le jeune défenseur central ivoirien du Club Bruges Abakar Sylla.
Né le jour de Noël 2002 à Yamoussoukro, capitale politique de la Côte d'Ivoire, Abakar Sylla passe une partie de son adolescence à l'académie JMG d'Abidjan, avant de rejoindre le club de sa ville natale, la Société omnisports de l'Armée, champion national en 2019 et habitué du haut de tableau de première division. Alors qu'il n'est jamais apparu en équipe première, le Club Bruges, qui dispose de l'une des cellules de recrutement les plus performantes d'Europe, décide de miser sur lui, en payant les 200 000€ demandés. Pourtant, le club belge est plutôt un habitué des marchés américains et scandinaves. Mais Dévy Rigaux, le recruteur en charge de cette zone a un coup de cœur pour ce défenseur puissant et rapide, à l'aise sur les terrains poussiéreux des compétitions de jeunes en Côte d'Ivoire. Après s'être renseigné auprès de son réseau et auprès du club de la SO Armée, Rigaux invite le joueur à un échange en visio, qui s’avérera assez délicat, Sylla étant assis sur le trottoir d'un chemin de terre, au milieu des scooters pétaradants. La liaison est difficile mais le recruteur est convaincu par la personnalité et l'envie du joueur.
C'est ainsi que le jeune gaucher se retrouve, un jour de septembre 2021, dans la Venise du Nord, au sein du Club NXT, l'équipe réserve brugeoise, qui évolue en deuxième division depuis une réforme des championnats belges validée en 2020. Grâce à cette disposition, les Blauw-Zwart peuvent se permettre de recruter plusieurs jeunes joueurs d'une vingtaine d'années, venus du monde entier, les mettre en couveuse à un bon niveau sportif, et profiter des meilleurs éléments pour l'équipe première.
Pour Sylla, cette saison 2021/2022 est avant tout une saison d'adaptation, mais le staff technique identifie assez rapidement le potentiel du gaucher. Beaucoup voient déjà en lui le successeur d'Odilon Kossounou, autre Ivoirien vendu quelques mois plus tôt à Leverkusen pour 23M€. Intégré aux entraînements de l'équipe première lors des dernières semaines de compétition, il entre en jeu quelques minutes lors de l'ultime rencontre des playoffs face à Anderlecht, lui permettant à la fois de découvrir le niveau professionnel et d'accrocher le titre de champion de Belgique à son palmarès.
A l'été 2022, Carl Hoefkens, qui avait jusque là en charge les jeunes espoirs du Club NXT, est promu à la tête du Club Bruges. Le nouvel entraîneur, qui privilégie un schéma en 3-5-2, dans la continuité de ses prédécesseurs, convoque pour la première son ancien protégé à l'occasion de la troisième journée et l'installe sur le banc. Mais à l'heure de jeu, le jeune Américain Owen Otasowie, qui faisait là sa première apparition, se blesse, et doit laisser sa place à Abakar Sylla au cœur de la défense. Critiqué par la presse pour ses choix lors des trois premiers matchs, Hoefkens n'hésite pas pour ses feuilles de matchs suivantes et aligne son jeune défenseur d'entrée. Résultat, quatre victoires en quatre matchs, et des prestations bluffantes de l'Ivoirien.
Interrogé sur ce joueur, encore inconnu du grand public quelques semaines auparavant, Carl Hoefkens a rappelé qu'il « est l'oeuvre de tout le club. Tout d'abord le scouting: il faut le repérer et le faire venir en Belgique. Il s'est parfaitement intégré, on a travaillé avec lui jour après jour au Club NXT. Son évolution a été suivie. Il a ensuite rejoint l'équipe première, d'abord en formation, puis à part entière dans le groupe. Et puis on remarque qu'il a des qualités incroyables. C'est un leader naturel, il tient ça de sa formation. Je suis également très satisfait de la manière dont les autres le coachent, car il a bien sûr encore des points à travailler. »
Une hype commence à grandir outre-Quiévrain, encore renforcée lorsqu'il se retrouve titularisé pour l'entrée en lice du Club Bruges en Ligue des Champions, face à Leverkusen. Aligné cette fois-ci au sein d'une défense à quatre, Abakar Sylla se permet même d'inscrire son premier but, de la tête à la suite d'un corner, certes bien aidé par le gardien adverse. A la fin du match, trophée d'homme du match sous le bras, il est célébré par son public et ne cache pas sa joie au micro de RTL : « je n’ai pas de mots. C’est une grande émotion. Mon premier match en Ligue des Champions et je suis l’homme du match. J’ai cru que le gardien avait arrêté ma tête. Mais quand j’ai vu que le ballon rentrait… énorme. Ce n’est qu’un début, maintenant il faut travailler pour faire d’autres résultats. Je n’avais pas de pression ? Vous savez, moi je veux juste jouer. Je n’ai pas de pression. Je veux tout faire à fond… »
Également interrogé dans les jours suivants, l'expérimenté gardien Simon Mignolet se montre élogieux sur son coéquipier : « il est en train de montrer ses qualités. Il n'est pas avec nous juste pour nous aider. C'est déjà un très bon joueur, à 19 ans. Il nous écoute, il apprend très vite et énormément. Il a les qualités pour faire une belle carrière. »
Pleinement intégré dans le groupe, et déjà observé par plusieurs clubs européens, Sylla va rapidement montrer une autre facette de son jeu, son manque de calme et de discipline. Le 16 octobre, alors qu'il dispute son onzième match de la saison, à Anderlecht, il est expulsé dans les arrêts de jeu pour un gros tacle les deux pieds en avant (résumé vidéo) sur un attaquant bruxellois. Après avoir écopé de trois matchs de suspension, son manque de maîtrise ressort début janvier à l'occasion d'un déplacement à Genk. Alors qu'il semble déjà passer à côté de son match, Sylla tente d'intervenir pour stopper une contre-attaque mais découpe complément son adversaire lancé à pleine vitesse. Un geste dangereux, sanctionné d'un simple carton jaune, ce qui sera longtemps polémique en Belgique. Chanceux, l'Ivoirien va dégoupiller en seconde période. Alors qu'il est sanctionné pour avoir mis sa main dans le visage d'un attaquant de Genk, il se met dans une rage folle, balance le ballon au loin et semble menacer l'arbitre qui n'a d'autre choix de lui donner un nouveau carton jaune (résumé vidéo). Ses coéquipiers peinent alors à lui faire quitter le terrain, et une fois dans le couloir des vestiaires, Abakar Sylla reporte sa colère sur une porte. Un comportement que le tout nouvel entraîneur de Bruges, Scott Parker, arrivé en remplacement de Carl Hoefkens, n'a évidemment pas trop apprécié : « c’est un jeune joueur avec beaucoup de potentiel mais parfois ces jeunes font des erreurs. Il a dépassé les bornes aujourd’hui. »
Mais Scott Parker ne tient à peine plus que deux mois, puisqu'il est licencié début mars, après la lourde défaite sur le terrain de Benfica (5-1), en huitième de finale retour de Ligue des Champions, au cours de laquelle Sylla était titulaire. C'est Rik de Mil, entraîneur également passé par le Club NXT, et ancien adjoint de Parker et de Hoefkens, qui assure l'intérim, et qui va emmener Bruges à la 4ème place de saison régulière, puis à la 4ème place finale. Au milieu de tous ces changements, Abakar Sylla alterne entre les titularisations, les passages sur le banc et les petits pépins musculaires.
A l'issue de sa première vraie saison professionnelle, le bilan est relativement satisfaisant, mais pas flamboyant (bien mais pas top, comme dirait l'autre). Capable du meilleur en Ligue des Champions, comme du pire avec un comportement irascible, Abakar Sylla a tout de même pu laisser entrevoir un potentiel certain et les qualités d'un défenseur central moderne. Costaud physiquement, il s'impose aisément dans les duels en un contre un, sait se placer pour pouvoir couper les lignes de passes et intercepter les ballons, et surtout, il affiche une sérénité rare, pour son âge, quand il s'agit de relancer.
Annoncé dans les petits papiers du RB Leipzig et son désormais presque cousin Monaco, spécialistes des jeunes défenseurs centraux, l'Ivoirien va donc tenter de confirmer ces belles promesses au sein d'un Racing Club de Strasbourg qui se voit bien désormais développer ce genre de prospects. Pour un transfert d'environ 20M€, bonus compris, le risque peut paraître élevé si on regarde le montant avec les yeux d'un supporter du monde d'avant, mais il est désormais tellement rentré dans la norme. Charge à Patrick Vieira et à son staff de parvenir à faire définitivement éclore ce talent, et à permettre aux dirigeants du club d'enregistrer une belle plus-value financière dans quelques années.
Citations issues de Het Laatste Nieuws, RTBF.fr et de la DH.
Né le jour de Noël 2002 à Yamoussoukro, capitale politique de la Côte d'Ivoire, Abakar Sylla passe une partie de son adolescence à l'académie JMG d'Abidjan, avant de rejoindre le club de sa ville natale, la Société omnisports de l'Armée, champion national en 2019 et habitué du haut de tableau de première division. Alors qu'il n'est jamais apparu en équipe première, le Club Bruges, qui dispose de l'une des cellules de recrutement les plus performantes d'Europe, décide de miser sur lui, en payant les 200 000€ demandés. Pourtant, le club belge est plutôt un habitué des marchés américains et scandinaves. Mais Dévy Rigaux, le recruteur en charge de cette zone a un coup de cœur pour ce défenseur puissant et rapide, à l'aise sur les terrains poussiéreux des compétitions de jeunes en Côte d'Ivoire. Après s'être renseigné auprès de son réseau et auprès du club de la SO Armée, Rigaux invite le joueur à un échange en visio, qui s’avérera assez délicat, Sylla étant assis sur le trottoir d'un chemin de terre, au milieu des scooters pétaradants. La liaison est difficile mais le recruteur est convaincu par la personnalité et l'envie du joueur.
C'est ainsi que le jeune gaucher se retrouve, un jour de septembre 2021, dans la Venise du Nord, au sein du Club NXT, l'équipe réserve brugeoise, qui évolue en deuxième division depuis une réforme des championnats belges validée en 2020. Grâce à cette disposition, les Blauw-Zwart peuvent se permettre de recruter plusieurs jeunes joueurs d'une vingtaine d'années, venus du monde entier, les mettre en couveuse à un bon niveau sportif, et profiter des meilleurs éléments pour l'équipe première.
Pour Sylla, cette saison 2021/2022 est avant tout une saison d'adaptation, mais le staff technique identifie assez rapidement le potentiel du gaucher. Beaucoup voient déjà en lui le successeur d'Odilon Kossounou, autre Ivoirien vendu quelques mois plus tôt à Leverkusen pour 23M€. Intégré aux entraînements de l'équipe première lors des dernières semaines de compétition, il entre en jeu quelques minutes lors de l'ultime rencontre des playoffs face à Anderlecht, lui permettant à la fois de découvrir le niveau professionnel et d'accrocher le titre de champion de Belgique à son palmarès.
A l'été 2022, Carl Hoefkens, qui avait jusque là en charge les jeunes espoirs du Club NXT, est promu à la tête du Club Bruges. Le nouvel entraîneur, qui privilégie un schéma en 3-5-2, dans la continuité de ses prédécesseurs, convoque pour la première son ancien protégé à l'occasion de la troisième journée et l'installe sur le banc. Mais à l'heure de jeu, le jeune Américain Owen Otasowie, qui faisait là sa première apparition, se blesse, et doit laisser sa place à Abakar Sylla au cœur de la défense. Critiqué par la presse pour ses choix lors des trois premiers matchs, Hoefkens n'hésite pas pour ses feuilles de matchs suivantes et aligne son jeune défenseur d'entrée. Résultat, quatre victoires en quatre matchs, et des prestations bluffantes de l'Ivoirien.
Interrogé sur ce joueur, encore inconnu du grand public quelques semaines auparavant, Carl Hoefkens a rappelé qu'il « est l'oeuvre de tout le club. Tout d'abord le scouting: il faut le repérer et le faire venir en Belgique. Il s'est parfaitement intégré, on a travaillé avec lui jour après jour au Club NXT. Son évolution a été suivie. Il a ensuite rejoint l'équipe première, d'abord en formation, puis à part entière dans le groupe. Et puis on remarque qu'il a des qualités incroyables. C'est un leader naturel, il tient ça de sa formation. Je suis également très satisfait de la manière dont les autres le coachent, car il a bien sûr encore des points à travailler. »
Une hype commence à grandir outre-Quiévrain, encore renforcée lorsqu'il se retrouve titularisé pour l'entrée en lice du Club Bruges en Ligue des Champions, face à Leverkusen. Aligné cette fois-ci au sein d'une défense à quatre, Abakar Sylla se permet même d'inscrire son premier but, de la tête à la suite d'un corner, certes bien aidé par le gardien adverse. A la fin du match, trophée d'homme du match sous le bras, il est célébré par son public et ne cache pas sa joie au micro de RTL : « je n’ai pas de mots. C’est une grande émotion. Mon premier match en Ligue des Champions et je suis l’homme du match. J’ai cru que le gardien avait arrêté ma tête. Mais quand j’ai vu que le ballon rentrait… énorme. Ce n’est qu’un début, maintenant il faut travailler pour faire d’autres résultats. Je n’avais pas de pression ? Vous savez, moi je veux juste jouer. Je n’ai pas de pression. Je veux tout faire à fond… »
Également interrogé dans les jours suivants, l'expérimenté gardien Simon Mignolet se montre élogieux sur son coéquipier : « il est en train de montrer ses qualités. Il n'est pas avec nous juste pour nous aider. C'est déjà un très bon joueur, à 19 ans. Il nous écoute, il apprend très vite et énormément. Il a les qualités pour faire une belle carrière. »
Pleinement intégré dans le groupe, et déjà observé par plusieurs clubs européens, Sylla va rapidement montrer une autre facette de son jeu, son manque de calme et de discipline. Le 16 octobre, alors qu'il dispute son onzième match de la saison, à Anderlecht, il est expulsé dans les arrêts de jeu pour un gros tacle les deux pieds en avant (résumé vidéo) sur un attaquant bruxellois. Après avoir écopé de trois matchs de suspension, son manque de maîtrise ressort début janvier à l'occasion d'un déplacement à Genk. Alors qu'il semble déjà passer à côté de son match, Sylla tente d'intervenir pour stopper une contre-attaque mais découpe complément son adversaire lancé à pleine vitesse. Un geste dangereux, sanctionné d'un simple carton jaune, ce qui sera longtemps polémique en Belgique. Chanceux, l'Ivoirien va dégoupiller en seconde période. Alors qu'il est sanctionné pour avoir mis sa main dans le visage d'un attaquant de Genk, il se met dans une rage folle, balance le ballon au loin et semble menacer l'arbitre qui n'a d'autre choix de lui donner un nouveau carton jaune (résumé vidéo). Ses coéquipiers peinent alors à lui faire quitter le terrain, et une fois dans le couloir des vestiaires, Abakar Sylla reporte sa colère sur une porte. Un comportement que le tout nouvel entraîneur de Bruges, Scott Parker, arrivé en remplacement de Carl Hoefkens, n'a évidemment pas trop apprécié : « c’est un jeune joueur avec beaucoup de potentiel mais parfois ces jeunes font des erreurs. Il a dépassé les bornes aujourd’hui. »
Mais Scott Parker ne tient à peine plus que deux mois, puisqu'il est licencié début mars, après la lourde défaite sur le terrain de Benfica (5-1), en huitième de finale retour de Ligue des Champions, au cours de laquelle Sylla était titulaire. C'est Rik de Mil, entraîneur également passé par le Club NXT, et ancien adjoint de Parker et de Hoefkens, qui assure l'intérim, et qui va emmener Bruges à la 4ème place de saison régulière, puis à la 4ème place finale. Au milieu de tous ces changements, Abakar Sylla alterne entre les titularisations, les passages sur le banc et les petits pépins musculaires.
A l'issue de sa première vraie saison professionnelle, le bilan est relativement satisfaisant, mais pas flamboyant (bien mais pas top, comme dirait l'autre). Capable du meilleur en Ligue des Champions, comme du pire avec un comportement irascible, Abakar Sylla a tout de même pu laisser entrevoir un potentiel certain et les qualités d'un défenseur central moderne. Costaud physiquement, il s'impose aisément dans les duels en un contre un, sait se placer pour pouvoir couper les lignes de passes et intercepter les ballons, et surtout, il affiche une sérénité rare, pour son âge, quand il s'agit de relancer.
Annoncé dans les petits papiers du RB Leipzig et son désormais presque cousin Monaco, spécialistes des jeunes défenseurs centraux, l'Ivoirien va donc tenter de confirmer ces belles promesses au sein d'un Racing Club de Strasbourg qui se voit bien désormais développer ce genre de prospects. Pour un transfert d'environ 20M€, bonus compris, le risque peut paraître élevé si on regarde le montant avec les yeux d'un supporter du monde d'avant, mais il est désormais tellement rentré dans la norme. Charge à Patrick Vieira et à son staff de parvenir à faire définitivement éclore ce talent, et à permettre aux dirigeants du club d'enregistrer une belle plus-value financière dans quelques années.
Citations issues de Het Laatste Nieuws, RTBF.fr et de la DH.
