Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

RCS - Clermont : Le football « négatif »

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Après-match
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Par knack90
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« La patience est l’aptitude d’un individu à se maîtriser face à une attente, à rester calme dans une situation de tension, face à des difficultés, ou encore la qualité de persévérance face au retard » (Définition Wikipédia). L’attente, la tension, les difficultés et le retard, toutes les cases sont cochées concernant ce Racing 2023/24. Pas étonnant que Patrick Vieira réclame de la patience à tout instants et à tout le monde depuis le début de la saison. Requête justifiée ou excuse fallacieuse ? Tentative de réponse sous l’angle d’une sommaire analyse tactique du match face à Clermont.

Pour le compte de la 11ème journée de Ligue 1, les Racingmen, 14ème du classement, retrouvaient la Meinau pour la réception du Clermont Foot Auvergne, avant-dernier, 6 points derrière les Bleus. Le Racing reste sur une série de 4 matchs sans victoire et 1 point sur 12 possibles. La défiance envers le coach alsacien, Patrick Vieira, reste forte même si le point obtenu à Rennes semble avoir temporairement calmé l’opinion publique. Ce match face à un adversaire direct pour le maintien revêt donc une valeur de test, pour une équipe dont les légers progrès doivent désormais se matérialiser en points. En face, Clermont ne se présente pas en victime docile. 17ème certes, mais 4 points obtenus lors des 3 dernières rencontres, dont une victoire au Groupama Stadium de Lyon, dans un duel de cancres.

Pascal Gastien, le coach auvergnat, doit faire avec l’absence d’Alidu Seidu, homme de base de son système défensif et avec celle, plus anecdotique, de l’ailier Jérémie Bela, ce dernier étant très rarement titulaire.

Depuis le début de la saison, le Clermont Foot évolue généralement dans un 5-3-2 articulé auteur d’un trio au milieu de terrain : Gastien, Gonalons et Magnin. Pour ce match, ils innovent avec un 5-2-2-1 « Antonetti Style » où Gastien et Gonalons doivent assurer l’équilibre du milieu pendant que Mohammed Cham et Elbasan Rashani tenteront, depuis leurs positions de demi-ailiers, de seconder le très physique avant-centre jamaïcain Shamar Nicholson.

Ce système présente notamment l’avantage, en phases défensives, de placer un joueur dans la zone de chacun des deux membres du double-pivot médian strasbourgeois (Doukouré et Mwanga), et donc de ralentir nos sorties de balles.

Equipe


On notera qu’en phase d’attaque placée, le dispositif clermontois bascule vers un 3-4-1-2: Rashani venant se placer à la gauche de Nicholson qui se décale légèrement vers la droite. Cham se promenant dans l’interligne défensif alsacien pour servir de point d’appui « haut » au relanceur principal et quasiment exclusif de l’équipe : Johan Gastien. Ce dernier, profite de l’équilibre assuré par un Gonalons, sentinelle devant la défense, pour disposer d’une liberté totale dans ses déplacements comme le montre sa heat-map couvrant la quasi-totalité des zones entre les 30 mètres auvergnats et ceux du Racing.

Equipe


Côté alsacien, on regrette les absences sur blessures de Thomas Delaine, touché face au Stade rennais et de Karol Fila, touché par la poisse. Par ailleurs, Patrick Vieira, désireux de préserver l’implication des quelques joueurs d’expérience composants son effectif, invite cordialement Sanjin Prcic et Jean-Eudes Aholou à aller déguster une paire de knacks en tribunes. Tribunes, où ils seront rejoints par l’intermittent du spectacle, Saïdou Sow, pour la deuxième fois d’affilée hors du groupe et qui doit se féliciter d’un peu de stabilité dans sa saison.
À l’inverse, apparition du jeune Jérémy Sebas sur le banc. Surprenante au premier abord, mais juste récompense de son très bon début de saison avec la réserve (5 buts en 6 matchs) et dont le profil pourrait être utile dans un effectif manquant de solutions offensives sur les ailes.

Côté tactique, on retrouve le système en 4-2-3-1 aligné à Rennes. L’amicale Darwiniste évoquée lors du dernier article crie à la trahison. Son président, M. Nunez, footballeur professionnel sur les bords de la Mersey et adepte de la fine moustache (classique chez les petits-fils d’immigrés en Uruguay) déclarera : « une compo de Patrick Vieira sans changements de système ou ajustements tactiques bizarres, c’est comme une France sans fromages ou un Cambodgien avec deux jambes : une hérésie ! »

Au niveau du choix des hommes, mis à part Frédéric Guilbert qui échange son rôle de coach mental sur Instagram avec celui d’arrière gauche (en raison de l’absence forcée de Thomas Delaine), la composition est identique à la semaine passée. On ne change pas une équipe qui ne perd pas.

Equipe


À la perte du ballon, l’équipe retrouve son système en 4-4-2 avec Ângelo Gabriel et Dilane Bakwa en charge du contrôle des pistons adverses. Nuance toutefois concernant le replacement de Moïse Sahi Dion, qui alternera, selon la hauteur du bloc, entre une position à hauteur d’Emegha, ou plus bas, dans la zone de Gonalons et Gastien. Compte-tenu du rôle respectif de ces deux joueurs, évoqué plus avant, on pourrait s’étonner que Moïse Sahi Dion n’ait pas été mis spécifiquement dans la zone de Johan Gastien (un peu comme nos adversaires qui ciblaient Prcic en début de la saison dernière). En effet, cela aurait nécessairement contrarié les phases de possessions auvergnates en obligeant Maxime Gonalons, moins technique que son compère, à prendre l’orientation du jeu à son compte. Sauf que, quand on veut obliger l’adversaire à prendre la responsabilité du ballon et qu’on essaie de l’aspirer loin de son but, lui « offrir » 30 ou 40 mètres de remontées de balle sécurisées est plutôt pertinent. Le rôle clef de Gastien étant facilement identifiable pour un néophyte, je pense que s’il a été laissé « libre » par le staff alsacien, c’était sans doute volontaire. Pour résumé, on leur a offert la maîtrise du ballon et des remontées de balle « simples », pour obtenir, en contrepartie, des espaces à exploiter en transition.

Equipe


Patrick Vieira renouvelle à l’identique le plan de jeu appliqué au Roazhon Park :
- on laisse le ballon à l’adversaire, peu importe son pedigree ou son profil technique (61 % de possession pour Clermont dans ce match)
- un bloc médian/bas, extrêmement compact dans l’axe, renforcé par le double-pivot composé d’Ismaël Doukouré et Junior Mwanga.
- une absence de pressing dans les 35/40 mètres adverses. Priorité est donné à la reconstitution rapide du bloc-équipe plutôt qu’à l’idée de mettre sous pression les relanceurs adverses.
- dès la récupération du ballon, les deux milieux axiaux doivent servir de rampes de lancement à des offensives directes. Aucune volonté de maîtrise ou de ralentir le tempo de transmission du ballon pour la conserver (361 passes tentées par le RCS contre 580 par son adversaire, soit quasiment 40% de moins). La verticalité prime.
- les joueurs offensifs ont pour consignes d’attaquer « frontalement » la ligne défensive adverse, par le dribble et la course. Pas de décrochages, pas de combinaisons dans les petits espaces. On fonce vers le but, et peu importe le déchet. On est sur un classique jeu de transitions rapides (contre-attaques pour les nostalgiques des années 90), à l’opposé des standards esthétiques et techniques établis depuis 20 ou 25 ans.

Alors ça donne quoi ce jeu hyper direct face à une équipe, à priori, à notre portée ?
L’analyse tactique de cette rencontre va être assez rapide pour une raison assez simple : sans aucun but marqué (qui aurait nécessairement impliqué des ajustements des protagonistes), les deux équipes auront globalement continué à appliquer leurs systèmes de jeu de la première à la dernière minute.

D’une part, une équipe clermontoise soucieuse de conserver la balle et de rechercher Cham et Rashani entre les lignes, soit pour combiner dans les 30 mètres adverses, soit pour écarter le jeu vers les vouloirs, notamment gauche, compte-tenu du profil nettement plus offensif d’Allevinah par rapport à Konaté, côté droit. De l’autre, le Racing, solidement installé dans sa propre partie de terrain, avec un bloc-équipe compact dans la profondeur mais suffisamment « large » pour cadrer les deux pistons Clermontois avec nos ailiers. On ne provoque pas la perte de balle de l’adversaire, on l’attend, et on exploite aussi rapidement que possible les espaces libres.

Alors oui, c’est frustrant.
Frustrant de voir ce jeu « passif » dans les phases de récupération, avec un bloc qui n’avance pas sur l’adversaire et des rares phases de possession sans réelle maîtrise du tempo et un déchet technique qui donnent cette impression de rendre continuellement le ballon à l’adversaire.
Cela d’autant plus que, par des ajustements assez basiques, le Racing aurait pu mettre les Clermontois sous pression. Par exemple, si au lieu de cadrer les pistons avec nos ailiers, on l’aurait fait avec nos latéraux, nos ailiers auraient pu monter systématiquement sur Borges et Pelmard. Additionné au marquage individuel de Gastien par Sahi évoqué plus haut, on aurait pu espérer faire dérailler tout le plan de jeu « avec ballon » du CF63.
Dans ces conditions, il est très tentant de considérer le jeu du Racing comme défaillant, voire inexistant. La réalité, c’est que ce n’est juste pas le plan de jeu.

La philosophie de jeu du coach alsacien se porte sur un football « négatif », pour reprendre un qualificatif attribué à celui d’Helenio Herrera en son temps. Ceux qui ont vu le Nice et le Crystal Palace de Vieira ne seront pas surpris. Les autres, il faudra vous habituer.
Une étude de l’observatoire du football du CIES du 08 novembre indique que le Racing est la 4ème équipe française avec l’indice de jeu direct le plus élevé. J’ai le sentiment que si on ne prenait en compte que les 5 derniers matchs, ce taux serait encore supérieur.
Même si l’équipe progresse collectivement, même si les joueurs progressent individuellement et même si des joueurs plus forts et plus performants (y compris plus expérimentés) nous rejoignent, on n’aura pas plus de "beau jeu" (au sens des critères Guardiolesques et Kloppesques). Le plafond en termes de réussite du projet à moyenne échéance, c’est le Nice de Farioli (qui reprend les mêmes grands principes de jeu, mais en faisant tout mieux grâce à un effectif de meilleur qualité).
Certains diront que ,dans ce cas, ça ne vaut plus la peine d’aller au stade. Que le football doit être un divertissement avant d’être un business. Je leur répondrai que le football est un sport avant d’être un divertissement. Le beau et le bon sont deux choses différentes.

Revenons au match de dimanche.
Globalement le match a été équilibré. Comme déjà rappelé plus tôt, mise à part après l’expulsion de Marvin Senaya, les deux entraîneurs ont conservé leurs plans de jeu durant la totalité de la rencontre, faisant des remplacements « poste pour poste » et ne procédant à aucun ajustement tactique majeur.
Les Clermontois auront eu quelques occasions en première mi-temps, chaque fois venues du côté droit de la défense strasbourgeoise, où Ângelo semble toujours incapable de faire preuve d’un minimum de discipline et d’engagement défensifs. Ses oublis dans le cadrage du très remuant Allevinah aurait pu nous coûter cher si Cham avait converti son face-à-face avec Matz Sels à la 21ème minutes. Pour le Racing, peu d’occasion à se mettre sous la dent malgré des tentatives timides de Sahi ou Ângelo autour de la 20ème minute. Le principal fait de jeu pour les Bleus demeurant la sortie sur blessure de Dilane Bakwa, suppléé par Jérémy Sebas juste avant la mi-temps.
Début de match fermé, où les Alsaciens font bonne figure dans les items statistiques les plus pertinents pour un jeu de transition rapide : les duels qu’ils remportent quasiment au 2/3 et les dribbles réussis pour 69 % d’entre eux (obligatoires pour casser le contre-pressing adverse)

En deuxième mi-temps, les Strasbourgeois prendront légèrement l’ascendant sur leur adversaire du jour. Mieux en place défensivement (malgré quelques placements approximatifs du duo Ângelo/Sebas), le Racing ne concédera aucune frappe cadrée, mis à part un coup d’éclat lointain de Rashani qui finira sur la barre transversale de Matz Sels (46ème).
Toujours dominatrice au milieu, la lessiveuse Doukouré/Mwanga, récupère (72 % de duels gagnés), oriente (90 % de passes réussies, 111 ballons touchés à eux deux et 6 dribbles réussis sur 6) et se projette (comme à la 61ème, où Junior Mwanga est à deux doigts de Mory Diaw de débloquer le match), confirmant les bonnes impressions aperçues à Rennes. Assurément le point fort du Racing 2023/2024.
En attaque, le Racing manque toujours de créativité et reste très brouillon. Néanmoins, l'équipe pensera avoir réussi à faire sauter le verrou clermontois à la 73ème mais un très léger hors-jeu d'Emmanuel Emegha douchera les espérances de la Meinau.
Au final, 11 frappes au but, dont 5 fois après la 76ème minute et l’expulsion de Marvin Senaya.

Pour rappel, l’équipe qui termine la rencontre :

Equipe


Score final 0-0, les 10 Strasbourgeois sur le terrain essuient les sifflets des spectateurs.
Sifflets de déception et de frustration, que j’estime à titre personnel, assez injustes et contre-productifs.

Le résultat n’est pas bon. On espérait tous les trois points. Le niveau de jeu n’est pas suffisant, et quand, comme Patrick Vieira, on choisit une philosophie de jeu moins ambitieuse et peu esthétique, il ne reste pas grand-chose d’autre à proposer que de l’efficacité. Donc quand elle n'est pas là...
Le retard accumulé pendant la pré-saison et jusqu’au match de Metz, à une période où le coach alsacien tâtonnait tactiquement (pour être poli), ne sera plus rattrapé et pénalise encore l’équipe aujourd’hui.

Toutefois, on commence à comprendre vers quoi le staff et l’équipe tendent et, même si le choix de philosophie de jeu qui a été décidé est critiquable et peut sembler en décalage avec les discours de début de saison, il a le mérite d’avoir été fait depuis 5 matchs. Le projet de jeu a enfin une direction.

Par ailleurs, des progrès sensibles et continus peuvent être constatés depuis le match de Lens. À titre personnel, je trouve que les matchs à Rennes et face à Clermont sont nos meilleures prestations depuis le début de la saison.
Cette impression visuelle est renforcée par les statistiques de ce dernier match, et notamment celles des items « marqueurs » pour un jeu de transition rapide. En comparaison avec nos autres matchs après Metz :
- 1,01 xG, meilleur résultat
- 0,90 xG pour l’adversaire, 2ème résultat le plus bas
- 1ère fois où le différentiel des xG est positif
- 18 tirs tentés, meilleur résultat
- 5 tirs cadrés, meilleur résultat
- 21 dribbles tentés, meilleur résultat
- 13 dribbles réussis, meilleur résultat
- 107 duels joués et 59 remportés, résultat le plus haut
- 55 % de duels gagnés, meilleur taux.

Alors, oui, c’est encore insuffisant et on peut légitimement être en doit de demander mieux à cette équipe, mais elle semble enfin sur la voie du progrès et d’une certaine cohérence. Elle mériterait sans doute d’être encouragée dans cette voie plutôt que conspuée et mise sous pression.

Au final, ce jeu "négatif" assumé ne serait-il pas l'espoir d'une dynamique positive. Rendez-vous à Marseille dans 15 jours pour une ébauche de réponse.

knack90

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Stammtisch
  • lafoudre2 Pourquoi ni Perrin ni Bakwa ou Sissoko ?
  • lafoudre2 Je rentre de week-end et je n'ai rien vu du match mais je suis surpris de la composition de l'équipe
  • cigonhao Au boulot je dis souvent que le secret d'une journée réussie est d'avoir des ambitions mesurées
  • tenseur Place au mercato. J'espère que Strasbourg fera un bon recrutement
  • cigonhao Des cas ils ont regardé le résumé sur FreeLigue1
  • cigonhao Maxifoot c est tres variable au niveau qualité. Pour les notes des matchs je pense que dans le meilleur
  • ross3 Athor y trafique ses résultats...
  • franck-67 Oui très serré. Mais finir ex-aequo avec Athor est une belle performance
  • pando67 après, je veux pas dire, mais maxifoot dit que le racing a trouvé son gardien pour la saison prochaine...
  • thecell sur maxifoot.fr
  • thecell Une note, peu flatteuse, de 1 sur 10, pour Emegha !
  • athor C'était serré dans les deux concours !
  • rago37 VICTOIRE aux pronos du Racing ! La remontada de l'alsacien qui vit en Touraine mais a son Racing dans le coeur !!! ❤️
  • rct Maintenant , c'est pas encore fini pour moi. Le + dur commence . Aller RCT.
  • rct Allez ! Bonnes vacances à tous . Une nouvelle saison et autre que celle-ci.
  • samksn67 Brest en ligue des champions Bordeaux qui joue l'maintien en ligue 2... Ca va vite le foot mdr
  • falcon Dembele a les deux pieds, Emegha en a peut-être aucun
  • falcon Il pourra pas faire pire du coup
  • falcon Qu’il essaie le droit la prochaine fois s’il est capable de faire avec les deux
  • athor N'oubliez pas le baromètre [lien]

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